Historique

HISTORIQUE DE L’HONORABLE CONFRERIE
« ABBAYE DES PATRIOTES »
ECUBLENS
1847-1997

L’Abbaye des Patriotes, comme la plupart des Abbayes, fut fondée à un moment assez tourmenté de l’histoire de notre pays. La Révolution avait renversé le gouvernement de plusieurs cantons, le nôtre en particulier en 1845. La guerre du Sonderbund mettait toute 1a Suisse en effervescence, en dressant les uns contre les autres catholiques et protestants. Les gens de la campagne venaient de s’affranchir politiquement et de gagner le suffrage universel. La Suisse secouait petit à petit la tutelle que les puissances étrangères faisaient peser sur elle. Les Citoyens de chez nous prenaient enfin conscience de leurs droits et de leurs devoirs et se rendaient compte que pour être forts, ils devaient s’unir. Notre Abbaye doit très probablement sa fondation a ce désir qu’avaient les citoyens-soldats de se regrouper, de se préparer à défendre le pays et leurs droits, par les armes s’il le fallait.

En 1847, deux sociétés militaires existaient déjà à Ecublens :

La Société Militaire des Tireurs et L’Emulation.

On ne connaît pas le moment de la fondation de la première société, mais on sait que la deuxième date de 1804, année qui suivit l’entrée du Canton de Vaud dans la Confédération suisse. En 1847, ces deux sociétés furent dissoutes et, le 4 juillet, 158 citoyens fondèrent la société militaire dite des Patriotes d’Ecublens. De ces 158 membres fondateurs, 61 demeuraient à Ecublens, 16 venaient de Chavannes, 16 de Lausanne, 13 de Saint-Sulpice, 11 de Bussigny et les autres, de Renens, Préverenges et d’ailleurs. Quatre grandes familles d’Ecublens en constituaient l’armature ; on y comptait 16 Ducret, 16 Masson, 12 Musy et 10 Jaquenoud; 6 Bourgoz venaient de Saint-Sulpice.

L‘Assemblée générale du 4 juillet adopta les statuts de la Société qui furent sanctionnés par le Conseil d’Etat le 12 avril 1848 aux conditions suivantes:

  1. Les membres promettent d’être fidèles a la Constitution du Canton de Vaud. 2. La Société’ est placée sous la surveillance du Préfet qui sera prévenu de chacune de ses assemblées. 3. Le Conseil d’Etat pourra en tout temps dissoudre la Société.

Vous remarquerez que nos arrière-grands-pères étaient encore passablement sous tutelle. Cette assemblée fixa le prix de réception a 25 francs puis à 27 fr. 50 de l‘ancienne monnaie vaudoise, qui en 1852 devinrent 40 francs fédéraux. Cette finance d’entrée fut portée à 50 francs dès 1923. Actuellement elle se monte à 100 francs.

Le bureau du comité qui fut élu comprenait :

Président :                          Louis-Henri Delarageaz, Préverenges. Conseiller d’Etat
Vice-Président :                 Marc-Francois Ducret, Instructeur militaire
Caissier:                              Louis Musy, Syndic
Secrétaire:                         Jean-Francois Bovay, Adjudant d’infanterie

M. Louis-Henri Delarageaz, qui était un personnage considérable de l’époque, resta notre Président pendant trente-sept ans, soit jusqu’en 1884.

Les présidents suivants furent :

MM. Louis Musy 1885-1887                           Adrien Jaquenoud 1935-1954
Alfred Cuerel 1888-1892                               Gaston Ducret 1955-1965
Victor Clerc 1893-1907                                  Alfred Greppin 1966-1975
Adrien Masson 1908-1919                            Albert Avondo 1976-1984
Auguste Masson 1920-1926                         Pierre Jaquenoud 1985-1993
Henri Gudit 1927-1934                                  Claude Masson 1994

Dès sa fondation, l’Abbaye organisa ses fêtes au bois d’Ecublens. On commença par danser sur l’herbette. Sur le « rond de danse », au son des cuivres de 12 musiciens déjà. Puis en 1852, le citoyen Isaac Nutz, dit Profit, maitre charpentier, fit un plancher de danse de 51 pieds de long sur 46 de large pour 1e prix de 430 francs. La musique couta 88 francs puis 125 francs, puis 150 francs, puis 3800 francs, puis toujours davantage ; aujourd’hui environ 7800 francs.

On imagine aisément cette danse sur I ‘herbe, dans un rond éclairé de falots, de lampes à huile, de lanternes vénitiennes. Elles devaient être bien poétiques et bien jolies, les amoureux étaient vite dans l’ombre. A partir de 1907, I ’électricité bannit le pétrole et rejeta assez loin I ‘ombre protectrice de la forêt.

Au début, il n’y eut qu’un banquet, mais quel banquet ! Voici le menu de celui de 1858, le premier relaté dans les procès-verbaux :

Soupe -bouilli de bœuf – rôtis de bœuf, de veau, de mouton – légumes – jambon – salades – fromage – tommes de chèvre – le tout accompagné d’un pot de vin nouveau (1 litre et demi). Il coûta 1 fr. 80 par personne.

Dans ces fêtes mémorables, on ne faisait pas que danser et manger. On tirait aussi : de 1847 à 1863, les tireurs utilisaient des fusils à amorce du calibre de 18 millimètres, qui se chargeaient par la bouche. Dès 1863, on commença à employer des armes qui se chargeaient par la culasse. En 1868, la Suisse adopta le Vetterli, fusil à répétition ultramoderne, le meilleur de I ‘Europe, muni d’un magasin à 8 cartouches pour un calibre de 10,4 millimètres. La portée de cette arme permit à notre Abbaye de tirer à 150 mètres en 1872, à 200 mètres en 1875, puis 250 mètres et enfin à 300 mètres aux environs de 1890.

Le Vetterli fut détrôné par les fusils de haute précision qui se sont succédé de 1889 à nos jours, mousquetons 1931, fusils d’assaut 51 et 90.

Il y aurait une foule de détails intéressants à relever dans ce bref historique de notre Abbaye. Sans allonger, en voici quelques-uns. Jusqu’en 1875, les fêtes se sont célébrées en habits militaires et dès cette date en habits civils. La sonnerie électrique au stand a été installée en 1905. Le service des voitures du Pontet au bois d’Ecublens date de 1901. Les demoiselles d’honneur ont été invitées au banquet à partir du cinquantenaire soit en 1897. Le premier drapeau, inauguré en 1848, a coûté 194 fr. 80 avec les brassards. Le deuxième drapeau date de 1912, brodé à Saint Gall, pour le prix de 425 francs. Le troisième, inauguré le 3 juin 1912, brodé également à Saint-Gall pour la somme de 2750 francs.

La vie de l’Abbaye des Patriotes n’a pas connu de grands bouleversements. Elle a été à I ‘image de celle du pays qui, petit à petit et sans heurts, a progressé, s’est développée. Les fêtes se sont déroulées jusqu’en 1959 au bois d’Ecublens. Puis l’autoroute Lausanne-Genève à couper le bois en deux, supprimant ainsi notre place de fête. Bien à regret, une longue page de notre histoire se tournait définitivement.

En 1962 et en 1965, la fête se déroula à La Coquerellaz ; la paix et la fraîcheur du bois avaient fait place au soleil et au balcon lumineux s’ouvrant sur le Léman et les Alpes ; cela avait aussi son charme.

Puis, dès 1968, I ‘emplacement communal du Pontet fut mis à notre disposition ; cela devient plus rationnel, bref mieux adapté aux nécessités de notre époque.

Quant aux tirs, après s’être effectués longtemps à I ‘ancien stand de la Sorge, ils ont eu lieu jusqu’en 1968 au stand des Crosets. Pour la première fois, en 197 1, ils se sont déroulés au stand intercommunal d’Echandens.

Malgré ces différents bouleversements et le rythme de la vie moderne, nous, membres de l’Abbaye des Patriotes, en cette année de fête, nous nous sentons tout près de ceux qui la fondèrent voici cent cinquante ans. Notre Abbaye est la chaîne qui nous lie les uns aux autres, qui-nous oblige à plonger nos racines profondément, très loin dans I ‘histoire du pays. Elle nous intègre en quelque sorte à son histoire, à sa vie, à ses joies et à ses peines. Elle fait de nous beaucoup mieux les enfants de ce beau pays, qui ne peut vivre que par l’amour de ces fils pour lui.

L’Abbaye des Patriotes d’Ecublens et les autres Confréries du canton constituent une force du pays. Elles représentent une tradition patriotique de premier ordre que nous et nos enfants maintiendrons.

 

LE CONSEIL

Claude Masson, Abbé-Président                    Michel Miéville
Pierre Jotterand, Lieutenant-d’Abbé               Tony Reverchon
Michel Conus, Greffier                                    Jean-Pierre Rochat
PhiIippe Ecoffey, Trésorier                              Albert Rusch
Jean-Michel Barbey                                        Jean-Luc Sordet
Jean-François Ducret

Ecublens, le 11 juillet 1997

Historique composé par René Gaillard, instituteur et ancien membre de notre Abbaye, pour les 125 ans de la société, complété en 1997.